~ Lune aveugle ~ Une étrange histoire.

10-06-01 - 16h53

C'est étrange comme le temps peut passer vite parfois... vite, oui ; si vite !

Etrange comme une vie peut soudain s'emplir d'une teinte nouvelle, lorsque les choses fuient, s'étiolent, se transforment et échappent à notre contrôle. Etrange comme une vie peut changer. Changer, oui, mais pas juste dans le présent, pas juste dans le futur qui se dessine lentement, mais changer dans le passé, aussi.

Nos yeux s'ouvrent soudain ; et les souvenirs se teintent d'une toute autre coloration sous cet éclairage nouveau, d'une toute autre odeur douceâtre et un peu écoeurante... et même d'une saveur douce-amère de fiel.

Cela fait plus d'un mois maintenant que ma première rencontre avec l'oiseau de lune a eut lieu. Oiseau de lune, oui ; c'est ainsi que je l'ai baptisé. Rapport à ses apparitions, qui semblent être en rapport avec les phases de la lune. Je me suis posé beaucoup de questions depuis, et n'ai eu que très peu - pour ne pas dire pas du tout - de réponses. J'ai frôlé la folie, me suis abîmé dans le désespoir de l'incompréhension et de l'impuissance... mais vous le savez car vous étiez plus ou moins là, non ? Grâce à ce journal...

J'ai conscience de l'avoir un peu délaissé depuis, et je dois m'en excuser auprès de ceux - y'en a t'il seulement ? - qui auraient suivi ma lente descente aux enfers et qui se seraient interrogé sur les raisons de cet arrêt subit. Mais il est arrivé tant de choses, à la fois dans le monde civilisé du passé désormais révolu auquel j'appartenais, et dans ce monde ci, où les règles semblent si différentes. Alors ? Quoi ?
Et bien... j'ai fini par l'accepter. Accepter sa présence invisible, que je sentais presque chaque soir - sauf ceux de pleine lune -, plus ou moins fortement, là, tout prêt, derrière les murs de mon appartement. Oui, j'ai fini par l'accepter !

Las, je me couchais indifférent depuis quelques jours, ne ressentant plus ni peur ni terreur, ni angoisse ni désespoir vis à vis de lui et de son étrange influence sur mon état physique. Une apathie résignée qui, à défaut de le faire disparaître, allait, je l'espérais au moins, me permettre de ne plus vivre dans une angoisse permanente.

C'est là que les choses deviennent intéressantes, et c'est ce qui me pousse à revenir écrire ici.

Il est partit.

Depuis ce soir ou je me suis couché l'esprit vidé et le coeur muet.
Je me rappelle m'être éveillé le lendemain, tout aussi morose et 'gris' qu'à l'accoutumée, mais étrangement soulagé. Le genre de sentiment que l'on a quand quelque chose d'important s'est passé la veille au soir, et qu'il s'agirait du premier jour d'une libération attendue et salvatrice. Comme lorsque l'on passe le baccalauréat, et que l'on s'éveille le lendemain des résultats bachelier, vous voyez ?

Mais cela ne m'a pas spécialement choqué cependant ; non, à peine intrigué je pense. Rien de surprenant de la part de quelqu'un alors aussi 'vide' que moi sentimentalement.

Là où cela m'a vraiment fait réagir, c'est quand cela s'est reproduit le lendemain matin. La même sensation. Celle d'être libre. Je me suis éveillé quelques minutes avant que mon radio réveil ne sonne, et ai émergé doucement du sommeil, les yeux mi-clos. Je somnolais ; dehors, le soleil brillait et le ciel semblait d'un bleu magnifique, a travers les trous de mes stores.

Quels oiseaux chantaient doucement, et un vague grondement lointain de circulation troublait le silence serein de cette matinée radieuse de juin. La radio s'est mise en marche, m'arrachant un grognement ; je m'apprêtais à la couper mais le morceau qu'ils jouaient à ce moment là sur RTL2- wicked games de chris Issack - me plaisait suffisamment pour suspendre mon geste. Je restais couché quelques minutes, promenant mon regard sur les murs et sur le plafond.

Il n'était plus là. J'en étais sûr.

Je me suis levé, ai fait le tour de la chambre. Rien. Plus rien. Aujourd'Hui, cela fera quatre jours qu'il est parti. Quatre jours. Je ne sais rien de plus, et ne pense pas vraiment que cela soit définitif ; mais j'ose secrètement l'espérer. J'espère aussi, si d'aventure je me trompais, qu'il mettrait au moins le plus longtemps possible avant de revenir me hanter.

Le fait est que je retrouve doucement - et il faut vraiment le vivre pour comprendre à quel point cela est étrange !!! - mes sensations, mes sentiments. Les couleurs semblent plus vivantes, les jours moins longs et vides, et les gens plus souriants. J'ai vraiment l'impression de sortir d'une dépression nerveuse grave et de revivre.

Je vais faire le point, maintenant que mon esprit est plus clair. Sur ce qui s'est passé, sur ce que j'ai bien pu faire à un moment qui a fait basculer les choses. Je vais aussi réfléchir à un moyen de me défendre.

Au cas ou il reviendrait.

[ A suivre ]